Traduction

samedi 30 juillet 2016

Un avis qui compte !


https://thebigblowdown.wordpress.com/2016/07/30/simone-gelin-jane-de-boy/

Simone Gélin. L'Affaire Jane de Boy

Madrid, janvier 2011. Abril revient dans sa ville natale, après une absence de près de 50 ans.
Cinquante ans plus tôt, dans le village de Jane de Boy, près du bassin d’Arcachon, une petite fille de 3 ans, Jane, joue sur la plage devant sa maison, sous le regard de sa maman. Il est près de 17h, et Justina rentre à l’intérieur pour prendre un gilet.
Une absence d’une minute ou deux, pas plus…

A son retour, la plage est déserte. Jane a disparu. Les recherches entamées immédiatement ne donnent aucun résultat. Jane s’est littéralement volatilisée, sans laisser aucune trace.
Enlèvement ? La récente affaire du petit Eric Peugeot est encore présente dans les mémoires, mais  n’y a pas eu de demande de rançon. De plus, Félix et Justina Ibañez, même s’ils paraissent à l’abri du besoin, ne sont pas d’une extrême richesse.
Le Commissaire Lasserre, en charge du dossier, éprouve pas mal d’empathie pour ces parents déboussolés, dévastés par la disparition de leur fillette. Il fait appel à Hippolyte, un ancien de la maison, qui connait bien le quartier Saint-Michel, « la petite Espagne », et qui pourra ainsi activer son réseau de connaissances et d’indics.
Le comportement de Félix et Justina, ce jeune couple d’immigrés espagnols, intrigue les policiers. Pourquoi avoir émigré en France ? Ils n’avaient rien ni personne à fuir dans leur pays. Justina est même la fille d’un haut responsable de la Phalange, le parti du Général Franco. Ils ne se sont pas non plus intégrés à la communauté espagnole du quartier Saint-Michel. Ne cachant pas leur peu de sympathie pour le régime franquiste, ils ne militent pourtant dans aucun mouvement.
De plus, Félix a récemment monté une affaire d’import- export de produits espagnols, qui lui assure de bons revenus, mais que l’on pourrait imaginer comme paravent à un quelconque trafic.
Dans la maison à côté vivent Sarah, la seule amie du couple, et son fils Paul. Sarah, à peine âgée de 15 ans, a échappé à la déportation en couchant avec des soldats S.S. Tondue à la libération, elle évoque cet épisode sans aucune gêne, et arrondit ses fins de mois en se prostituant occasionnellement.
Alternant avec les chapitres consacrés à l’enquête, Abril, une jeune espagnole, raconte dans une longue lettre sa jeunesse, son passé de militante anarchiste, son premier amour, sa grossesse et la naissance de Nieves…
« Il ne me connaissait pas, et pour cause ! Ma mère ne savait encore pas que j’étais en route quand il avait été arrêté en 39…
Je voyais cet homme, grand, raide dans ses habits comme s’il portait tout le malheur du monde caché sous sa veste, un pantalon de flanelle flottant sur sa maigreur, une figure allongée, faite de rectangles et de lignes droites, des os saillants, maxillaires apparentes, des yeux qui paraissaient perdus dans un ailleurs que lui seul pouvait voir, capables en même temps de pénétrer intensément les miens, une bouche de géant qui lui mangeait tout le visage, il me faisait peur.
Je me jetai au cou de ma mère et lui demandai à l’oreille si c’était un ogre qui tendait les bras pour me prendre. Elle rit : »C’est ton père, Abril. » »
Au-delà de deux magnifiques portraits de femmes, de part et d’autre des Pyrénées, l’une et l’autre confrontées à la perte d’un enfant, ce roman nous plonge dans les tristes heures d’un passé pas si lointain. A cette époque où le gouvernement français encourageait la collaboration de la police française avec les services secrets de Franco, ce dictateur enfin devenu « fréquentable ». Cette collaboration consistait bien souvent à rechercher des anti-franquistes réfugiés en France, en vue de leur élimination.
Ce roman aborde également le thème des enfants volés, enlevés à des jeunes femmes dans une situation difficile, pour être proposés à l’adoption, ou même vendus à des couples en mal d’enfant.
S’appuyant sur une solide documentation historique, et  beaucoup de témoignages « de première main », ce roman a valeur de document sur cette période récente.
D’une écriture agréable et poétique, sans aucune outrance, Simone Gélin nous propose une intrigue habilement construite, mêlant la fiction avec des évènements réels de notre Histoire récente, imbriqués de façon très étroite à son roman, sans que cela ne nuise à sa fluidité. Elle pose un regard plein de bienveillance et d’amour sur ces hommes et ces femmes, victimes d’un régime inique et de pratiques indignes.
La scène finale, au cœur de la manifestation de la Puerta del Sol, en janvier 2011 à Madrid, en mémoire des enfants volés, est porteuse d’une intense émotion.
« Regards éperdus, en quête d’un ou d’une inconnue, d’une part d’eux-mêmes qu’on leur a dérobée à la naissance. Certains brandissent des pancartes comme s’ils jetaient des bouteilles à la mer. Des dates, des lieux, des appels au secours….
Une multitude de ballons blancs est lâchée.
Des ballons pour des enfants volés, qui s’élèvent dans le ciel gris de Madrid. »

Comme avec « Le journal de Julia « , et les sujets qu’elle aborde, Simone Gélin a su encore une fois me toucher au cœur, car j’ai retrouvé au travers de ce livre pas mal de points communs avec ma propre histoire.
Un immense merci pour ce très beau roman, que j’ai reçu comme un magnifique cadeau, et qui fut pour moi l’occasion d’un excellent moment de lecture, un véritable coup de cœur.
Éditions Vents salés, mai 2016

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire